Mercredi seize avril, midi trente-sept. J'ai déménagé mon ordinateur devant la fenêtre, pour me forcer à regarder dehors de temps en temps, il fait si beau encore une fois. J'ai tiré le rideau (un drap vert forêt volé dans le train il y a près d'un an) et j'ai ouvert la fenêtre d'un pouce, question de changer l'air un peu, question de remplacer mon air pollué de grippe, de cendrier plein et de sommeil agité par celui beaucoup plus sain des voitures, des cris d'enfants et d'urbanité en général.

Des gens traversent le parc, en petits groupes ou seuls, accompagnés ou non d'un chien ridicule. Beaucoup d'entre eux traînent un sac de plastique, étrangement, même ceux sans chien. Que font-ils? Qui sont-ils? De quoi parlent-ils?
Moi je les observe, du haut de mon petit pays à moi. Mon pays de poussière et de monticules divers, symboles de tout ce que je fais, de ce que je suis et me voilà qui en parle. À ma droite le monticule des jeans, cardigans, bas dépareillés et sous-vêtements épars. À ma gauche le monticule des fils : le fil de l'imprimante, les 3 fils du kit de son, le fil ethernet (dont je ne me sers jamais), une paire d'écouteurs avec son fil pendant et s'emmêlant dans le fil pour rechager mon cellulaire. Derrière moi, un mélange hétéroclite du monticule de ma grippe : lit défait, sac de plastique plein de mouchoirs pleins, livres d'école fermés, quelques CD (Schönberg, Léopard et moi, Kathy Kennedy, Blonde Redhead), quelques cassettes (Bach, Fecal Matter, John Zorn). Et un peu partout, tels des étoiles dessinées au crayon blanc sur une carte du ciel, les minuscules monticules de vaisselle sale qui s'accumulent... Tasse "Francine" par-ci, deux verres transparents par-là - avec fond de jus en prime - , grande assiette surmontée de fin de toast au beurre de peanut, petite assiette sertie d'une fourchette zéro carats et graines de petit pâté au poulet.
À travers la foule bigarrée des souvenirs récents et anciens trônent quelques plantes survivant au régime plus que désertique auquel je les astreins.
J'écoute l'émission de Christiane Charette en version électronique, tentant de me faire croire que je me suis bien levé à une heure raisonnable ce matin. Christiane Charette, telle une prêtresse du temps, dicte en mon pays l'heure qu'il est, qu'il était et qu'il sera. "En direct, mercredi seize avril, c'est Christiane Charette qui vous parle."
Ça parle de télé, à 9h06, j'y connais rien, je m'en fous, mais j'ai besoin d'avoir tous ces gens passionnés se rencontrant et discutant, perchés du haut d'un des tas de cochonneries de ma chambre.
Internet a fait défaut (signe qu'il ne faut jamais dire jamais, alors que je suis maintenant connecté au monde via le fil ethernet, qui a quitté ses amis), une fraction de seconde, assez pour que tous se taisent chez Christiane Charette et que me viennent à l'oreille tous les bruits de la ville, comme une rûche d'abeille sur laquelle on aurait fixé microphone, amplificateur et pédale de distortion. J'ai la tête prise dans un étau et tout bourdonne autour de moi sans que je puisse m'en sauver.
Il y a deux endroit essentiels dont je ressens périodiquement le manque ici :
1 - Un endroit calme et paisible où l'on n'entend pas le bruit des autos et des gens, un endroit où il n'est pas nécessaire de construire une fausse chute - source efficace de bruit blanc, capable de tout masquer ce qui l'entoure - pour éteindre la rumeur motorisée et humaine.
2 - Un endroit où il est permis de faire du bruit sans déranger personne. Car bien que le bruit soit omniprésent et omnipotent, on n'a pas le droit, du moins c'est l'impression que j'ai eue à regarder les visages autour de moi quand j'ai essayé, de le perturber. J'ai souvent envie de jouer du violoncelle, par exemple, mais où aller, sans que sans cesse quelqu'un s'arrête pour me dire que sa tante aussi jouais du "violon" avant de tomber du cancer, que le violoncelle c'est "si beau"? Où est-ce que je vais si j'ai envie de jouer du violoncelle "pas beau", loin du souvenir des violonistes de campagne dont je n'ai honnêtement rien à cirer? Hier, en voyant l'itinérante couchée en plein milieu du corridor du métro, j'ai pensé que c'était peut-être une leçon de vie qu'elle donnait là... Que peut-être parfois il fallait faire fi de tout ce qui nous entoure pour apprécier les choses autrement. Mais tout celà goûte beaucoup trop Montréal.
Une dernière tranche de vie avant d'aller beurrer épais sur mon pain d'aujourd'hui. La semaine dernière, il a fallu que j'attende près de 4 jours avant de pouvoir enregistrer la dernière étape de ma nouvelle toune : la track de voix. Je savais que je voulais crier un peu, une bonne vieille toune qui rentre au poste, hurlements en sus. Mais mon coloc était TOUJOURS dans sa chambre. Il n'est pas sorti pendant 4 jours! Bon, je ne lui en veux pas, c'est tout à fait normal de ne pas avoir de vie sociale en fin de session, mais j'ai tellement retenu en dedans ce que je voulais faire, que je crois bien que c'est la cause directe de la grippe que je soigne encore aujourd'hui. Il a finalement eu faim, au bout de 4 jours, et est parti 10 minutes à l'épicerie, ce qui m'a donné juste assez de temps pour enregistrer un premier jet voix (voir le lien sur cette page à droite : "Rémy et son côté pop"). Je ne suis pas vraiment satisfait du résultat, mais je ne crois pas pouvoir me reprendre d'ici une autre semaine : la prochaine fois que mon coloc s'absentera. Je cherche donc encore un endroit où j'aurais pu aller crier à ma guise dans cette ville bruyante où l'omerta règne quand même.
Rémy

Des gens traversent le parc, en petits groupes ou seuls, accompagnés ou non d'un chien ridicule. Beaucoup d'entre eux traînent un sac de plastique, étrangement, même ceux sans chien. Que font-ils? Qui sont-ils? De quoi parlent-ils?

À travers la foule bigarrée des souvenirs récents et anciens trônent quelques plantes survivant au régime plus que désertique auquel je les astreins.
J'écoute l'émission de Christiane Charette en version électronique, tentant de me faire croire que je me suis bien levé à une heure raisonnable ce matin. Christiane Charette, telle une prêtresse du temps, dicte en mon pays l'heure qu'il est, qu'il était et qu'il sera. "En direct, mercredi seize avril, c'est Christiane Charette qui vous parle."
Ça parle de télé, à 9h06, j'y connais rien, je m'en fous, mais j'ai besoin d'avoir tous ces gens passionnés se rencontrant et discutant, perchés du haut d'un des tas de cochonneries de ma chambre.
Internet a fait défaut (signe qu'il ne faut jamais dire jamais, alors que je suis maintenant connecté au monde via le fil ethernet, qui a quitté ses amis), une fraction de seconde, assez pour que tous se taisent chez Christiane Charette et que me viennent à l'oreille tous les bruits de la ville, comme une rûche d'abeille sur laquelle on aurait fixé microphone, amplificateur et pédale de distortion. J'ai la tête prise dans un étau et tout bourdonne autour de moi sans que je puisse m'en sauver.
Il y a deux endroit essentiels dont je ressens périodiquement le manque ici :
1 - Un endroit calme et paisible où l'on n'entend pas le bruit des autos et des gens, un endroit où il n'est pas nécessaire de construire une fausse chute - source efficace de bruit blanc, capable de tout masquer ce qui l'entoure - pour éteindre la rumeur motorisée et humaine.
2 - Un endroit où il est permis de faire du bruit sans déranger personne. Car bien que le bruit soit omniprésent et omnipotent, on n'a pas le droit, du moins c'est l'impression que j'ai eue à regarder les visages autour de moi quand j'ai essayé, de le perturber. J'ai souvent envie de jouer du violoncelle, par exemple, mais où aller, sans que sans cesse quelqu'un s'arrête pour me dire que sa tante aussi jouais du "violon" avant de tomber du cancer, que le violoncelle c'est "si beau"? Où est-ce que je vais si j'ai envie de jouer du violoncelle "pas beau", loin du souvenir des violonistes de campagne dont je n'ai honnêtement rien à cirer? Hier, en voyant l'itinérante couchée en plein milieu du corridor du métro, j'ai pensé que c'était peut-être une leçon de vie qu'elle donnait là... Que peut-être parfois il fallait faire fi de tout ce qui nous entoure pour apprécier les choses autrement. Mais tout celà goûte beaucoup trop Montréal.
Une dernière tranche de vie avant d'aller beurrer épais sur mon pain d'aujourd'hui. La semaine dernière, il a fallu que j'attende près de 4 jours avant de pouvoir enregistrer la dernière étape de ma nouvelle toune : la track de voix. Je savais que je voulais crier un peu, une bonne vieille toune qui rentre au poste, hurlements en sus. Mais mon coloc était TOUJOURS dans sa chambre. Il n'est pas sorti pendant 4 jours! Bon, je ne lui en veux pas, c'est tout à fait normal de ne pas avoir de vie sociale en fin de session, mais j'ai tellement retenu en dedans ce que je voulais faire, que je crois bien que c'est la cause directe de la grippe que je soigne encore aujourd'hui. Il a finalement eu faim, au bout de 4 jours, et est parti 10 minutes à l'épicerie, ce qui m'a donné juste assez de temps pour enregistrer un premier jet voix (voir le lien sur cette page à droite : "Rémy et son côté pop"). Je ne suis pas vraiment satisfait du résultat, mais je ne crois pas pouvoir me reprendre d'ici une autre semaine : la prochaine fois que mon coloc s'absentera. Je cherche donc encore un endroit où j'aurais pu aller crier à ma guise dans cette ville bruyante où l'omerta règne quand même.
Rémy
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire