J'ai fait une version de la pièce Variations II de John Cage (1962). Il s'agit d'une pièce « for any number of players and any sound producing means ». La partition est assez inhabituelle, il s'agit d'une enveloppe contenant 11 feuilles transparentes : 6 lignes et 5 points. Pour en réaliser une version, il s'agit d'arranger les lignes et les points à son goût, de mesurer les distances perpendiculaires entre les lignes et les points, et de tirer de ces mesures des instructions pour les différents paramètres musicaux.
J'avais fait une première version de Variations II en 2009, pour une pédale de distortion seule branchée en feedback loop, présentée dans le cadre du cours Chance and Indeterminacy in Music (prof. Christoph Neidhöfer, Université McGill) dans laquelle les distances mesurées donnaient la position des boutons sur la pédale. À Rimouski, j'ai fait un nouvel arrangement des lignes et des points, puis j'ai utilisé les distances mesurées pour déterminer la position des solistes ou des ensembles dans l'espace, c'est-à-dire à différents endroits dans le bâtiment de Salle Desjardins-TELUS, ainsi que les moment où ils interviendraient.
Moi qui présente le concert |
Voici la critique du concert entendue le lendemain à la Première chaîne de Radio-Canada.
Info-réveil, Première chaîne de Radio-Canada Bas-Saint-Laurent, le 19 avril 2012, 6 h 50
VERBATIM
[extrait sonore]
Animateur— Qu’est-ce que ce son, Annie Landreville [chroniqueuse culturelle]?
AL— C’était l’une des stations que l’on a pu entendre hier lors de cet évènement « Cent ans de Cage » à la Salle de spectacle [Salle Desjardins-TELUS, Rimouski (Québec)], dans plusieurs lieux à l’intérieur de la Salle de spectacle. Il y avait utilisation évidemment de bandes d’archives, autant musicales que parlées, des musiciens qui se sont relayés, ils étaient au delà d’une douzaine à se relayer dans les différentes stations, à changer les instruments de place, à produire tous ces sons, tous ces moments musicaux que l’on va entendre pendant les quelques minutes qui viennent parce que je me suis promenée avec mon appareil et j’ai essayé de capter plusieurs de ces moments là.
Rémy Bélanger de Beauport, je vous l’avais fait entendre hier, c’est lui qui a organisé cette soirée, qui relevait tout autant des mathématiques que de la musique et, comme tout le monde, il est sorti de cette soirée tout à fait ravi. Il a présenté le concept en interrompant son discours à tous les 79 mots par une citation de John Cage. Je le laisse faire le bilan de cette soirée.
RBB— Je suis très content, je suis encore fébrile, je sens encore l’espèce de tension qui a perduré tout le long du spectacle, j’ai encore envie de me promener, de découvrir tous les angles de la Salle TELUS.
AL — Les musiciens sont contents, le public était content aussi, nombreux, s’est déplacé.
RBB — Oui. J’étais vraiment content, au début on n’est jamais sûrs, dans un endroit aussi classique, dans le bon sens du terme, qu’une salle de spectacle où on nous a montré à rester bien assis sur le banc, j’avais un peu peur que les gens aient peur de sortir de leur confort mais finalement tout le monde a embarqué et a vraiment suivi l’oreille. C’était mon objectif et puis je crois que ç’a fonctionné.
[extraits sonores]
AL — Il y avait des gens qui étaient là, certains qui connaissent bien ces univers étranges et exploratoires, d’autres qui étaient un petit peu moins familiers, mais tout le monde était ravi. On se promenait et les gens souriaient en se promenant d’un endroit à l’autre, tout le monde souriait, on était comme des enfants. C’était très très ludique tout ça et j’ai recueilli les commentaires de quelques personnes à la sortie de l’évènement.
P1 — Ah, une belle folie. Une belle folie. Complètement éclaté. Ça éveille tous nos sens.
P2 — Je n’ai vraiment pas de mot. En fait ce qui me fait halluciner c’est que je ne pourrais jamais dire si j’aime ou j’aime pas. Ça dépasse ça, ça dépasse vraiment ça.
P3 — C’était intéressant, j’ai bien aimé surtout les percussions, mon côté conservateur. J’ai adoré la trompette aussi. Ça fait une couple de fois que je viens, je trouve ça intéressant quand même. Ce n’est pas évident, surtout au niveau des silences, parce que j’avais lu sur internet c’était qui John Cage puis je m’étais posé la question, justement. Je n’étais pas supposé de venir ce soir mais j’étais dans le coin, je me suis dit je vais venir. J’ai trouvé ça intéressant.
P4 — Je n’ai pas de mot.
AL — Parce que c’est une expérience…
P4 — Oui oui, puis John Cage c’est tout un monsieur. Ça je peux te dire ça, je l’ai déjà vu moi, c’est un monsieur qui riait tout le temps, il riait comme Jacques Languirand. Alors oui c’est tout à fait dans l’esprit loufoque et imaginatif.
P5 — Moi j’ai adoré ça, on est dont chanceux d’avoir cette qualité là à Rimouski. J’ai eu l’impression d’être séduite par le son, et je n’ai pas l’attitude, habituellement c’est plus au niveau visuel, alors j’était complètement déstabilisée, je faisais juste suivre le son, les gens, le mouvement, puis c’était fantastique. Bravo à toute l’équipe de Tour de bras et la production.
Animateur— On sent véritablement l’effet qu’a eu cette soirée chez les gens. Les gens étaient un peu déstabilisés en même temps par tout ça.
AL — Oui. Il y a un effet de ravissement et puis une stimulation. On a passé la soirée à se promener, monte les escaliers, descend les escaliers, à l’affut d’un son. On garde nos sens en alerte à ce moment là et c’est très stimulant. Les percussions très très fortes, parfois des moments très doux.
Donc vraiment une belle soirée et ça s’est terminé avec le film de Valérie Sabbah, un film qui mettait en vedette la danse, les paysages d’hiver, un film drôle, ludique, intriguant aussi à l’image de cette soirée là, collaboration avec Paraloeil. Donc une belle soirée qui a mis à contribution beaucoup de gens, beaucoup d’organismes, l’École de danse Quatre temps, Tour de bras, des gens du Conservatoire [de musique de Rimouski], des jeunes musiciens, vraiment une belle réussite.
Animateur— Et ça mettait fin à ces Rencontres de musiques spontanées?
AL — Oui, c’était le concert de clôture des 14e Rencontres de musiques spontanées. Ça fait 7 ans déjà que c’est dans notre paysage sonore que ces rencontres là créées par Éric Normand, qui était là hier. En 7 ans, il y a eu un développement de public énorme. Les premiers concerts il y avait 10-15 personnes qui assistaient à ça. Là il y en avait des gens, on voit que le public se forme, le public est curieux.
Et puis, il y a eu cette année. On a atteint un espèce de raffinement, avec une soirée comme celle là, avec la venue de Malcolm Goldstein dont je vous ai parlé la semaine dernière, avec le Quatuor Saint-Germain, Jean Derome qui a travaillé avec le groupe d’improvisation ici [GGRIL : Grand groupe régional d’improvisation libérée] samedi soir, le seul événement auquel je n’ai pas assisté, samedi, mais on m’a dit beaucoup de bien du concert qui s’est déroulé à ce moment là.
Donc je pense que là on atteint une crédibilité pour cet organisme là, Tour de bras, aussi une crédibilité internationale importante, parce qu’on est capable d’amener ici des gens très importants et de créer des soirées magnifiques comme ça. Là c’était Rémy Bélanger de Beauport qui a créé cette soirée là, on peut dire chapeau à toute l’équipe.
Animateur — Eh bien, merci Annie de nous avoir ramené en sons un témoignage de cette soirée.
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Image souvenir de la soirée |
Texte de présentation
Il est maintenant 20 h 15. (6)
La pièce est commencée. (10)
La partition que j’ai élaborée, en
suivant à la lettre les consignes de John Cage, se trouve à l’endos de votre
programme. (34)
Il s’agit de Variations numéro 2, un
agencement avril 2012 de points et de lignes fournies par le compositeur en
1961. (56)
Cage demande d’utiliser les distances
entre les points et les lignes pour déterminer les paramètres musicaux. Sur le
graphique, la distance entre (79)
[L'art a estompé la
différence entre l'art et la vie. Laissons maintenant la vie estomper la
différence entre la vie et l'art.]
Sur le graphique, la distance
entre le point en haut à gauche et
l’oblique ascendante la plus à gauche, par exemple, me donne exactement 11
minutes et 4 secondes pour vous parler. (33)
La distance entre le point central
et la ligne qui s’en rapproche le plus a déterminé ma position, ici, sur scène.
(55)
Je vous annonce tout de suite que la
durée de la pièce sera de 79 minutes car si ce soir on célèbre les 100 (79)
[Quand un bruit vous ennuie, écoutez-le.]
Si ce soir on célèbre les 100 ans de
Cage, on célèbre en particulier les 79 ans de sa vie. C’est pour cette même
raison que je m’interromps à tous les 79 mots pour vous citer Cage en
m’accompagnant au piano. (44)
Je vous demande le plus grand
silence et la plus grande attention, car ce soir nous occupons l’oreille, nous
suivons le son partout chez Spect’Art : ici sur scène, là derrière ce
rideau, nous nous (79)
[Il est inutile de jouer des berceuses aux insomniaques.]
Ici sur scène, là derrière ce
rideau, nous nous déplacerons également dans le hall d’entrée et sur la
mezzanine près du grand cactus. Lorsqu’un son vous appelle, suivez-le! (31)
Vous devrez parfois faire des
choix : est-ce que je reste ici avec ce son? Est-ce que je vais plutôt là
bas pour cet autre son. Allez où bon vous semble et de grâce suivez votre
oreille plutôt que vos collègues spectateurs. (74)
Nous nous reverrons donc ici
[Même quand il ne se
passe rien, il se passe toujours quelque chose.]
Nous nous reverrons donc ici dans
maintenant moins de 79 minutes, car la pièce est commencée, je vous le
rappelle. (20)
Le concert de ce soir se terminera
par une présentation vidéo de la chorégraphe et danseuse Valerie Sabbah. Les
Fables qu’elle nous présente allient recherche esthétique soutenue, exploration
des oppositions et contrastes et rencontre de musiques spontannées. (58)
Je vous invite maintenant à écouter
un peu de ce silence qui nous entoure, ce silence qui, vous le verrez, n’ (79)
[Les idées sont une chose et ce qui arrive en est une autre.]
Je vous invite maintenant à écouter
un peu de ce silence qui nous entoure, ce silence qui, vous le verrez, n’existe
pas. Lorsque vous entendez un son, ne vous gênez pas et suivez-le, laissez
votre oreille guider vos pas.
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Variations II, John Cage, version Rémy Bélanger de Beauport 2012 |
Réalisation pratique dans le temps et l'espace
Musiciennes et musiciens
cue | début | fin approx. | note | ||
R | 00:00:00 | Rémy | scène* | 00:10 | |
C | 00:11:04 | Allison1 | lobby | 00:17 | fin: quand Alexandre commence @ mezzanine |
R | 00:12:20 | Reich1 | fond de salle | 00:20 | |
C | 00:15:06 | Eric1 | lobby | 00:21 | |
R | 00:17:12 | Alexandre1 | mezzanine | 00:23 | |
M | 00:17:46 | Olivier1 | scène | 00:24 | |
C | 00:18:30 | Robert1 | lobby | 00:24 | début : 3 min. après Éric fin: 3 min. après Éric |
M | 00:21:03 | Allison2 | scène | 00:27 | fin: 1 min. après entrée de Éric @ scène |
R | 00:25:08 | Martynciow1 | lobby | 00:32 | |
M | 00:26:11 | Eric2 | scène | 00:32 | fin : en même temps que Martynciow @ lobby |
3 minutes de silence | |||||
C | 00:36:33 | Olivier2 | lobby | 00:43 | |
R | 00:42:27 | Martynciow2 | fond de salle | 00:49 | |
3 minutes de silence | |||||
R | 00:52:49 | Alexandre2 | scène | 00:58 | |
R | 00:53:52 | Eric3 | fond de salle | 00:59 | fin : 1 min. après Alexandre @ scène |
C | 00:57:57 | Reich2 | mezzanine | 01:05 | |
C | 01:00:30 | Robert2 | mezzanine | 01:06 | fin : 1 min. après Reich @ mezzanine |
C | 01:01:48 | Alexandre3 | lobby | 01:07 | fin : 2 minutes après Robert @ mezzanine |
C | 01:03:54 | Allison3 | mezzanine | 01:09 | |
R | 01:06:40 | Olivier3 | scène | 01:13 | |
R | 01:07:56 | Reich3 | scène | 01:15 | |
C | 01:11:30 | Martynciow3 | mezzanine | 01:18 | |
R | 01:13:00 | Robert3 | fond de salle | 01:19 |
Musiciennes et musiciens
Rémy Bélanger de Beauport
(direction artistique, mise en scène, régie, coordination)
Solistes :
Robert
Bastien (guitare, électroniques)
Rémy Bélanger de Beauport (lecture
performative)
Allison Cameron (petits objets, électroniques)
Olivier D’Amours
(basse acoustique, électroniques)
Éric Normand (ordinateur)
Alexandre
Robichaud (trompette)
Ensemble Rythmus :
Alexis Carrier (percussion)
Gabriel
Dionne (percussion)
Antoine Létourneau-Berger (percussion)
Julie Quimper
(percussion)
Olivier Tremblay-Noël (percussion)
court-métrage Les Fables de
Kukoo Garden :
Raphaël Arsenault (violon, danse)
Rémy Bélanger de Beauport
(violoncelle)
Geneviève Bélanger-Genest (collaboratrice à la réalisation)
François
Philippe Caron (danse)
Soraïda Caron (danse)
Gabrielle Onorato (danse)
Aurélie
Papillon (danse)
Alexandre Robichaud (trompette, danse)
Valérie Sabbah
(réalisation, danse)
Rencontres de musiques spontanées 14 : Concert « 100
ans de Cage »
pièce Variations II, John Cage, 1961
version Rémy Bélanger de
Beauport, avril 2012, 79 minutes
Salle
Desjardins-TELUS, Rimouski (Québec)
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